1ère Université d’été du Cercle Zététique du Languedoc-Roussillon

Publié le par Christine Brunschwig


Les 30 et 31 juillet 2011 s’est tenu la première Université d’été du Cercle Zététique du Languedoc-Roussillon à st-Gély-du-Fesc, chez Françoise Mariotti. Le programme très riche du week-end consistait en conférences, présentations, discussions, émaillées de barbecues, baignades, et autres pauses eskimos… L’organisation a été extrêmement bien pensée, et aucune anicroche n’est venue assombrir les échanges fructueux menés ces deux jours bien remplis. La logistique était parfaitement huilée, les horaires et la clarté des débats particulièrement bien tenus, par des modérateurs utiles et efficaces. L’atmosphère, tour à tour sérieuse, voire très concentrée, a aussi été d’une grande convivialité, et d’une bonne humeur fort agréable. Tous les participants auront certainement un excellent souvenir de ces moments partagés ensemble à réfléchir, discuter et apprendre les uns des autres.

 

Liste des participants :

Zoé Amiel – Patrick Augereau – Michel Bastien – Yves Bellekens – Jean-Luc Bernet – Edline Bianco – Jean Brissonnet – Christine Brunschwig – Martin Brunschwig – Jérémie Crépin – Géraldine Fabre – Martine Giboire – Chantal Kubasiak – Françoise Mariotti – Sylvie Maurin – Alain Neveu – Valérie Neveu – Élie Nicolas – Jean-Louis Racca – Alain Weiss.

 

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Samedi 30

 

I – Accueil et introduction de Jean-Luc Bernet 

 

Intro


 

Jean-Luc accueille les participants, et fait un tour d’horizon riche et complet des thèmes travaillés depuis mars 2005 au Cercle Zététique du Languedoc-Roussillon. Les réunions un samedi par mois ont permis d’aborder des centres d’intérêt très divers. Jean-Luc en cite quelques-uns parmi les plus marquants (la psychanalyse, illusionnisme et mentalisme, les OGM, la kabbale, etc.) Mais il insiste sur la nécessité de découvrir ce qui se fait ailleurs, pour se nourrir de nouvelles idées et s’ouvrir à l’extérieur. Le CZLR invite donc Géraldine Fabre et Jean-Louis Racca, de l’Observatoire Zététique de Grenoble. Afin d’élargir les discussions, Patrick Augereau a mis en place un forum de discussion électronique interne au CZLR.

 

 

II - Présentation de l’OZ de Grenoble, par Géraldine Fabre.

 

OZ

L’Observatoire zététique fut d’abord créé en 2004 comme émanation du cercle zététique parisien, mais a pris son autonomie quelques années plus tard. Actuellement, il compte environ 35 membres qui s’engagent à être actifs (travail de dossier, publications pour diffusion des outils critiques, mise à disposition d’un outillage sur leur site). L’Observatoire travaille en commun avec l’Université de Grenoble (étudiants de licence et doctorants). Une spécificité de l’OZ : la mise en place de protocoles très pointus pour tester certaines allégations « paranormales » (dans l’esprit du « prix défi »), mais ce sont surtout des outils qui peuvent être transposables à d’autres domaines ; Géraldine met en avant la démarche, et non la conclusion : enquêtes de terrain, mise en place de protocoles acceptés, discutés, préparés avec soin avec la personne testée, engagement de publication du protocole et des résultats, accompagnement des éventuelles « victimes » de dissonance cognitive (les personnes testées étant le plus souvent sincères...)

Autres activités : la publication d’une newsletter chaque 13 du mois (à 13h 13 !) réunissant 2000 abonnés ; des réunions mensuelles à Grenoble ; des conférences dans toute la France ; le développement d’un matériel pédagogique (manip et poster disponibles en ligne), pour des événements comme la fête de la science ; des interventions dans les médias (parfois très remarquées) ; et une collaboration avec des organismes de prévention contre les dérives sectaires.

 

Discussion

Est évoquée la nécessité de diffuser une démarche critique rationnelle pas seulement sur le paranormal.

 

 

III – Présentation de l’Afis et de son travail au Comité de rédaction, par Martin Brunschwig

 

AFIS

Martin présente l’Association Française d’Information Scientifique, qui a pour but de promouvoir l’esprit critique et scientifique, et de lutter contre l’obscurantisme et les pseudo-sciences1. Elle publie la revue Science… et pseudo-sciences, à laquelle il collabore. Il détaille ensuite comment un bénévole non spécialiste peut participer à ces activités pointues, et souligne la complémentarité des compétences au sein du Comité de Rédaction de cette revue. Chacun a sa spécificité, mais le groupe dans son ensemble permet un regard très aigu. Il indique qu’il fait des notes de lecture, des résumés, et s’occupe maintenant de la rubrique « lecteurs », invitant chacun à écrire ses commentaires ! Comme Géraldine, il souligne l’importance de la démarche (vérification de l’information scientifique, fiabilité des sources, « chasse » aux différents biais). Il lance la discussion sur un problème récurrent : délimiter les domaines à aborder.

 

Discussion

La terminologie employée est importante. Parler d’une chose « démontrée » peut être trompeur, le mot « preuve » étant plus efficace. Mais parler de preuves « scientifiques » est meilleur que de parler de preuves « expérimentales ». En effet, quelque chose de vrai n’est pas toujours quelque chose d’expérimental (exemple : théorie de l’évolution).

 

1 Notons que Jean Brissonnet en a été un vice-président particulièrement actif.

 

 

IV – Les mahométans, par Élie Nicolas

 

Mahomet

Élie nous explique que le mot « mahométan » est préférable à « musulman » (qui désigne « celui qui est soumis à Dieu ») pour éviter d’adopter soi-même cette logique. Il part de la réalité des faits historiques, c’est-à-dire de leurs preuves matérielles (documents authentiques) pour développer une analyse historico-critique d’une grande érudition :

Il n’y a aucune preuve de l’existence de Mahomet, ni de Jésus ou de Moïse. Ce sont des personnages conceptuels, et leurs biographies sont fantasmatiques. On ne trouve aucune trace historique de Mahomet, et notamment de ses supposées brillantes victoires… Le Coran révélé est présenté comme venant directement des cieux. Il est interdit à un Mahométan d’en faire la critique ; il ne peut que l’apprendre et le restituer. Pour faciliter cet apprentissage, il a été ordonné de la sourate la plus longue à la plus courte. Mais cela ne suit pas la chronologie de la révélation. Or, de nombreuses sourates ont été rajoutées, et il est important de savoir lesquelles (au moins lorsqu’il y a contradiction), puisque les dernières sont censées faire foi. Le Coran est emprunté à 90% au Talmud, à Zoroastre, à la Bible ou aux Évangiles. Élie recommande la version bilingue arabe/français, dans l’ordre chronologique, aux éditions l’aire, et le dictionnaire du Coran (Bouquins Laffont).

 

 

Discussion 

Les vêtements imposés aux femmes ne viennent pas clairement du Coran. Les vêtements homme/femme ne se différencient d’ailleurs qu’à partir du XIIIème siècle. Le voile intégral est une coutume afghane purement traditionnelle.

Des interdits sur l’adoption posent un gros problème pour les orphelins dans les pays arabes, et le fléau de la pédophilie fait des ravages, la religion ne précisant pas d’interdits avant la puberté. (Et Mahomet a donné le mauvais exemple, en se mariant avec une enfant de 6 ans…)

 

 

V – L’équation de Drake et le programme SETI, par Patrick Augereau

 

Drake

Drake a réuni en 1961 astronomes, chimistes, biologistes, etc. pour étudier les possibilités d’existence de vies extraterrestres. Il a établi sa fameuse équation pour évaluer le pourcentage de chance des événements nécessaires : combien d’étoiles se forment chaque année, combien d’entre elles possèdent des planètes, combien de planètes de type terrestre (tellurique), probabilités d’apparition de la vie, de l’intelligence, etc.

Faiblesses de l’équation de Drake :

  • chaque terme de l’équation est trop difficile, voire impossible à évaluer avec précision,

  • l’absence du facteur temps.

Mais Patrick estime que la démarche est scientifique, et que l’équation est suffisamment intéressante du point de vue de la recherche. Il présente également le programme SETI (Search for ExtraTerrestrial Intelligence), qui a tenté de déceler des signaux venant d’autres planètes à l’aide de radio-télescopes. Ce programme vient d’être abandonné, faute de fonds. Les raisons de l’échec de SETI peuvent être :

  • les difficultés de reconnaître un signal artificiel non-humain,

  • le choix trop restreint de la longueur d’onde,

  • la direction trop étroite de la visée du signal,

  • une expérimentation trop brève pour tirer des conclusions (quelques dizaines d’années, c’est peu).

Discussion

Le coût de ces recherches : la recherche de la vie extraterrestre est une démarche cognitive qui n’a pas moins de légitimité que d’autres aspects de la recherche astrophysique. Il est de toute façon très modéré.

Dimanche 31

 

Après un petit-déjeuner déjà studieux, pris en commun par les plus matinaux, les conférences reprennent :

 

 

VI – Les idées reçues, les idées fausses, par Alain Neveu

 

Idees

Alain part de l’annonce de la mort de Pierre Desproges, soi-disant rédigée par lui, mais en fait par Jean-Louis Fournier, pour montrer à quel point on peut être durablement trompé par une fausse nouvelle. Il aborde ensuite de nombreux thèmes, variés et intéressants : tout d’abord, il nous présente Leó Szilárd (1898-1964), physicien hongrois qui établit le principe de réaction nucléaire en chaîne. C’est lui et non Einstein qui écrivit la célèbre lettre à Roosevelt, qui conduira au projet Manhattan et à la fabrication de la bombe atomique par les américains avant les allemands. Einstein se contentera de la contresigner. Alain nous donne ensuite un nouvel éclairage sur les contes de fée, réhabilitant l’image des héroïnes, faussée par la réécriture de Perrault et les films de Disney. Puis, Alain nous présente les livres de Norton Cru (1879-1949), « Témoins » et « Du Témoignage ». Norton Cru met à bas de nombreuses idées reçues sur la guerre de 14, notamment l’héroïsme qui a pu alimenter les mythes de Pétain. Il s’agit d’un travail exceptionnel de tri des témoignages et des matériaux (journaux, lettres, récits, romans…) en vue de donner aux chercheurs des sources objectives. Alain conclut qu’il faut être très vigilant car ce nécessaire travail de démythification est susceptible de récupération par les négationnistes.

 

Discussion

Attention au biais du « tireur d’élite texan » : tirer d’abord, et dessiner la cible autour. Les choses pourraient paraître prévisibles, mais cela n’apparaît qu’après coup (exemple du 11 septembre et des services secrets américains, soi-disant « au courant »…)

 

VII – Acupuncture/Placebo, par Jean Brissonnet

 

Placebo

Jean dresse un bref historique de l’acupuncture, mettant en lumière son interdiction par l’empereur de Chine en 1822 comme obstacle au progrès de la science, et son retour après le « grand bond en avant », qui avait laissé la Chine quasiment sans médecin. Mao fut donc amené à réhabiliter une « médecine traditionnelle », plutôt que de laisser les chinois sans soins (d’autant qu’il est très facile de former rapidement des acupuncteurs).

Il s’appuie ensuite, dans son exposé, sur des données brutes, uniquement des publications sélectionnées que tout le monde peut vérifier. Le seul moyen pour étudier les preuves d’efficacité d’une thérapeutique sont les ECC (Études Cliniques Contrôlées), dont les paramètres sont :

  • la randomisation (patients affectés au hasard dans les différents groupes)

  • l’expérience menée en double aveugle (ni les patients ni les médecins ne savent s’ils testent le médicament ou le placebo)

  • la parution dans un journal à comité de lecture (la réputation du journal est importante)

  • la reproductibilité

 

Aucune étude sur l’acupuncture n’a pu remplir ces conditions, mais les mieux conduites concluent invariablement à l’inefficacité de l’acupuncture. (Jean donne de nombreux exemples). La seule chose qui peut apporter une information nouvelle serait une étude très récente, constatant un effet antalgique au voisinage de petites piqûres faites sur des souris. Mais attention à l’effet paillasson1 : il y a piqûre, mais pas du tout acupuncture ! Rien à voir avec la théorie des « méridiens », qui n’ont d’ailleurs jamais pu être mis en évidence…

Un article paru dans le n°297 de Science… et pseudo-sciences complètera utilement cet exposé.

Jean poursuit sa passionnante intervention en abordant l’effet placebo. Il décrit et détaille les processus de guérison en indiquant le rôle de la nature, du médicament, et des divers effets liés au contexte, comme tout ce qui a trait au rituel thérapeutique, ou la relation patient/praticien, qui s’avère souvent déterminante. Il faudrait d’ailleurs parler d’effet contextuel pour mieux englober toutes les facettes du placebo. Ajoutons que cet effet a surtout été testé sur la douleur : il s’agit souvent d’une amélioration ressentie qui passe par l’interprétation du cerveau (et aussi, parfois, la tendance du patient à dire au médecin ce qu’il souhaite entendre…). Mais lorsque des échelles de mesure objectives sont réalisées, aucune amélioration n’est constatée, comme le montre une étude du 14.07.2011 publiée dans le New England Journal of Medecine. Voir là aussi un article paru dans SPS n°294.

 

 

Discussion

La discussion part sur le fonctionnement du CZLR, et des améliorations possibles. Il est nécessaire de soigneusement préparer l’éventuelle venue d’intervenants présentant leurs allégations. Il ne s’agit pas de leur donner une tribune, et il est humainement délicat de les critiquer trop vertement. Faut-il donc suivre cette piste ?... Le but du CZLR n’est certes pas seulement de se réunir et de se conforter entre soi, même si on doit être d’accord sur l’essentiel de la démarche. Il est sans doute surtout de faire connaître et partager ses valeurs et ses informations. Il est indispensable, donc, de trouver les bons moyens de se faire connaître plus largement. Concrètement, cela peut être une mise à jour du site Internet, publier des communiqués de presse, se faire connaître des journalistes locaux qui ont souvent besoin d’informations, constituer des réseaux, créer un groupe de discussion pour élargir les réunions mensuelles. Il faut également rester réactif à l’actualité, et modifier éventuellement les programmes de l’année, afin d’être plus efficaces.

 

1 Effet paillasson : nommer une chose pour une autre, comme lorsqu’on dit « essuyez vos pieds » pour « essuyez le dessous de vos chaussures ».

 

 

VIII – Le cou de la girafe, par Edline Bianco

 

Girafe


Edline se présente avec humour comme « experte en girafe ». Et en effet, tout le monde ne peut prétendre avoir construit de ses mains la sculpture grandeur nature d’une girafe ! Mais le cœur de son propos est surtout issu de réflexions de Stephen Jay Gould, extraites de son livre « Les coquillages de Léonard ». Il y affirme que l’exemple du cou de la girafe, très fréquemment pris comme illustration du mécanisme de l’évolution, serait mal choisi. Et pourtant, elle souligne que les manuels scolaires américains, ou un dossier de « La recherche » qu’elle a utilisé pour son exposé, s’appuient effectivement sur cet exemple. Elle développe les arguments de Jay Gould, qui note justement que ni Lamarck, ni Darwin ne parlent de la girafe, et que les rares fois où ils le font, c’est pour illustrer un autre aspect de l’animal. En fait, ce n’est qu’à la 6ème édition de « L’origine des espèces » que Darwin commencera à parler de la girafe, pour répondre notamment à st-George Jackson Mivart. Quelques relais plus tard, c’est Francis Hitching, un auteur créationniste, qui donnera à Jay Gould le désir de répondre, et d’alerter sur le danger de prendre la girafe comme exemple.

 

Discussion

C’est sur la qualité ou non de la girafe comme modèle que part l’essentiel de la discussion, très riche, déclenchée par Edline. Cet exemple est-il mauvais pour décrire sommairement le mécanisme de l’évolution, ou plutôt pour différencier la théorie de Lamarck (transmission des caractères acquis) de celle de Darwin (survie des plus aptes, qui peuvent donc procréer) ? La discussion porte sur la faiblesse éventuelle d’un argument face aux créationnistes ou à l’Intelligent design. Mais à l’inverse, on doit raisonner dans l’absolu plutôt qu’adopter une position, simplement pour éviter des critiques.

La discussion fait apparaître que même parmi les professeurs de SVT, par exemple, le darwinisme n’est pas toujours vraiment acquis. Alors que l’évolution est aujourd’hui un fait scientifique et non une théorie, même si son mécanisme exact n’est pas encore complètement élucidé. Bien qu’elle reste évidemment hors de portée d’une réelle expérimentation, on peut parler de preuves scientifiques. On revient ainsi sur cette notion : une preuve scientifique peut parfaitement pallier l’absence de preuves expérimentales. Sont rappelés ici les quatre bases de la science, les quatre piliers sur lesquels elle a pu s’appuyer, avec le succès que l’on sait :

  • le scepticisme par rapport aux faits,

  • la priorité accordée au monde physique sur le monde des idées,

  • le matérialisme méthodologique (pas d’appel à Dieu, aux esprits, etc.),

  • le rationalisme, utilisant la logique et la parcimonie des hypothèses (Rasoir d’Occam).

IX – Conclusion de l’Université d’été, par Élie Nicolas

 

 

Le président de l’association prononce quelques mots de conclusion, soulignant la nécessaire prise de contact avec la presse, entre autres pour préparer « l’apéro des survivants » le 22 décembre 2012, la fin du monde étant « prévue » le 21…

 

L’université se termine tranquillement, par le départ progressif des uns et des autres, non sans continuer de passionnantes discussions jusqu’au soir. Merci à notre hôtesse, à tous les organisateurs, et rendez-vous l’année prochaine !

Publié dans Comptes-Rendus 2011

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